Je ne sais pas vous mais personnellement les « généalogistes » qui publient 150 générations d’ancêtres dont ils n’ont vérifié qu’un cinquième (j’en connais au moins un), cela m’exaspère au plus point. Cela ne fait pas sérieux dans le monde actuel de la généalogie.

 

Sur ces 150 générations d’ancêtres, voire plus, certains y mettent Adam et Eve (107 résultats en ligne quand même en ne prenant qu’une base de données généalogiques), la mythologie (grecque via les comtes de Toulouse, la reine Brunehaut en passant par Alexandre le Grand ou scandinave via la reine Anne de Kiev, à vous de choisir qui vous préférez), voire, soyons fous, Ötzi. Tant qu’à y être : où est le Big Bang ? Je veux le numéro Sosa du Big Bang ! Ce qui nous fait bien sûr des numéros Sosa à rallonge, au point qu’ils deviennent illisibles et imprononçables tellement ils sont longs.

 

Certains pour cela s’appuient sur les travaux de Christian Settipani. Je crains fort qu’ils n’aient pas compris les recherches de celui-ci. Cet historien généalogiste, très sérieux au demeurant, s’intéresse aux familles allant de l’Antiquité à l’an mil. Certes mais… Docteur en histoire, son métier c’est de distinguer, dans le manque criant des sources des siècles obscurs qui l’intéressent, ce qui peut être ou pas retenu. Les sources qu’il utilise ne sont pas les mêmes, les langues non plus que celles utilisées par le généalogiste amateur ou professionnel travaillant sur l’époque moderne. Il lui faut prendre tous les textes, les confronter aux autres sources. Il doit prendre connaissance des mentalités, des faits sociaux.

 

Question : pourquoi vouloir se rattacher à ces périodes considérablement éloignées ? Est-ce le même rapport aux ancêtres qui se développe ? Quand un généalogiste est sur des documents archivistiques et qu’il remonte jusqu’au XVIème siècle, il a un rapport réel avec ceux-ci. Les documents, il les a eus en mains. C’est concret.

 

S’il veut s’affirmer descendant de Zeus, Odin, Adam et Eve, ou qui sais-je d’autre, il met en place alors un rapport fictif. Il se réclame d’ancêtres n’ayant jamais existé, auxquels il ne se rattache pas réellement. Dans ce cas-là, généalogie rime avec fiction. Manque-t-il d’aïeux ? Est-ce une volonté d’afficher crânement d’autres aïeux parce qu’il se trouve sans réels ancêtres ? Est-ce une volonté de pouvoir de sa part ? Cette prétention alors, comme le dit Christian Settipani dans sa thèse, fonctionne comme un message qu’il veut faire passer dans un contexte donné. Le contexte est alors aussi important que le contenu et lui donne son sens véritable. Ses chances d’être cru dépendent du niveau de son acceptation au sein de son milieu social qu’est le monde généalogique pris dans son ensemble. Et dans ces cas-là, il peut compter sur les dissensions forcément existantes du groupe, comme dans tout groupe social, pour se faire reconnaître par certaines factions opposantes. Ce qui fait la valeur d’une prétention c’est sa crédibilité pour un public donné. Qui est alors ce public ? Le groupe auquel il appartient ou bien tout un chacun ?

 

Si je prends l’exemple du groupe des anciens étudiants issus du DU de Nîmes, il est clairement évident, de par la formation qu’ils ont reçus, que le premier qui ose aller dans la généalogie fictive, mythologique, se fera exclure de lui-même du groupe. Parce qu’ils ont reçu une formation historique pour bien s’ancrer dans la généalogie réelle et qu’ils considèrent tous, sans exception, en tout cas tous ceux avec qui j’ai pu en discuter, qu’un bon généalogiste, c’est un généalogiste ayant une formation historique digne de ce nom. Et qu’il vaut mieux s’arrêter humblement au moment où on ne trouve plus de sources que d’en inventer. Rien que les sources actuellement disponibles leur ouvre un champ d’investigation énorme. Sinon, ils n’auraient pas fait le DU, avec parfois des sacrifices financiers, familiaux temporaires mais nécessaires à leurs yeux pour pouvoir l’obtenir.

 

C’est ce sur quoi il faut vraiment se pencher. Là est, à mon sens, vraiment la réponse de ces longues listes d’ancêtres.